DevLille 2025 : l’IA, une révolution pour le métier de software engineer ?

Sommaire
- Présentation & Organisation
- Keynote d’ouverture : La Féminine Universelle (par Audrey FINET)
- Code commun : on duplique ou on mutualise ?
- L’IA est dans toutes les bouches
- Adopter la Gen IA, oui mais pas n’importe comment
- Le rôle de l’entreprise dans la Gen AI
- L’impact environnemental dans tout ça ?
- Le mot de la fin
Présentation & Organisation
Cette année, nos consultants lillois ont participé au DevLille 2025 à Lille Grand Palais. C’est l’un des événements incontournables lillois (après la braderie) pour la communauté tech, qui se déroule pendant deux jours.
Avec un espace de plus de 1900m2 permettant d’accueillir plus de 1500 participants, 60 speakers et 44 conférences, cet événement propose aussi cette année des Codelabs ainsi que des ateliers comme la Fresque du Climat ou My Little Big Map (un très bon complément à la Fresque du Numérique que la plupart de nos collaborateurs ont pu découvrir dans nos agences).
On soulignera l’effort apporté par l’organisation d’essayer de rester le plus inclusif possible : l’accessibilité des lieux qu’offre le Grand Palais, le sous titrage instantané de la Scop (Société coopérative et participative) « Le Messageur », ainsi qu’une salle de repos dédiée aux personnes en quête de calme.
Le petit plus du salon : un événement écoresponsable, grâce à la collaboration avec La Consignerie, un traiteur engagé qui mise sur le local et le zéro déchet pour les repas et les boissons du midi, un vrai plaisir de circuler dans les espaces sans déchets ni poubelles débordantes dès le matin.
Nos consultants néosoft au DevLille 2025
Keynote d’ouverture : La Féminine Universelle (par Audrey FINET)
Alors qu’on pouvait compter le nombre de femmes sur les doigts de la main lors des premiers DevLille, ici ce talk est ouvertement féministe : présenté par Typhaine D, autrice et comédienne, le propos étayé de faits historiques nous propose de reconsidérer ce fameux précepte : « Le masculin l’emporte ».
Audacieux dans ce contexte mais tellement pertinent dans un domaine où la communication est primordiale. Pas seulement parce que les femmes sont de plus en plus nombreuses, mais aussi parce que la comédienne nous rappelle que les mots ont un pouvoir, que l’histoire telle qu’on nous l’a enseignée peut-être biaisée et parce que les règles sont là pour être enfreintes, ou au moins discutées quand elles sont injustes.
Nous pourrions nous questionner sur la pertinence du propos dans le cadre de conférences autour du développement informatique, mais une Keynote sert aussi à élever le point de vue et à ouvrir les horizons.
A retrouver sur la chaîne dédiée de DevLille : youtube .
Code commun : on duplique ou on mutualise ?
Dans sa conférence “Commons : Good or Evil ?”, Thomas Piscitelli, CTO de JurasicPark présente son projet utopique de gestion d’un parc de dinosaures. Des microservices factices gèrent l’exposition et la sauvegarde des dinosaures en production et de ceux à intégrer dans un parc. Réflexe assez courant dans la plupart des SI lors de la mise en place d’une architecture micro-service, son équipe de développement met en place des librairies maison communes dites “Common” afin de mutualiser du code technique ou métier qu’on retrouverait dans les différentes briques.
Le speaker expose les avantages et inconvénients liées à cette pratique et les coûts que ça engendre : augmentation du volume du code mutualisé, du cout de la maintenance, du nombre de versions différentes, les difficultés à entretenir…
Thomas rappelle qu’il est important de trouver le bon compromis entre dupliquer et mutualiser le code, selon sa complexité. Il souligne aussi le fait qu’on a plus tendance à refactoriser du code dupliqué vers un code mutualisé plutôt que l’inverse car ça parait contre intuitif et à raison : il peut vite devenir compliqué de garder la vision sur l’ensemble du code dupliqué et garantir la mise en place des bonnes pratiques relatif à ce code.
Pour nous simplifier la vie : l’IA à la rescousse ! Le speaker présente un POC en 3 étapes avec pour objectif la propagation automatique des commits assisté par un agent IA.
- Récupérer les informations (get commit, list diff de la source)
- Itérer sur les commits à propager (adapter la diff du commit au repo cible par RAG – Retrieval augmented generation et MCP – Model Context Protocol)
- Pousser les changements
S’en suivent 6 minutes de démonstration avec l’agent IA “Roo Code” via Visual Studio Code où l’on voit les différentes étapes présentées précédemment défiler devant une foule qui semble dubitative : en effet, le scénario présenté est trop basique (mise à jour d’une valeur dans un enum), peut être qu’un cas d’usage qui fait plus suer quotidiennement les développeurs aurait eu un meilleur impact, mais aurait-il été aussi un même succès connaissant le caractère peu prédictible des IA ?
Cela ajoute de la complexité, c’est tout un tooling, un agent, des prompts à maintenir en plus qui viennent s’ajouter à la problématique. D’autant plus, est-ce vraiment pertinent de mettre de l’IA quand d’autres solutions peuvent aider ?
On pense notamment à des outils comme :
- Copybara, outil de Google qui automatise la synchronisation de code entre dépôts Git avec des règles de transformation personnalisables et création automatique de Pull Request (https://github.com/google/copybara)
- Une solution inspirée de git-slice pour propager les changements d’un fichier spécifique vers d’autres repos exploitant les git subtrees (à utiliser avec précaution)
- Ou simplement du scripting maison dans la CI (plus lourd à mettre en place et à maintenir mais pas plus qu’un agent IA)
Cependant, qu’on choisisse de mutualiser ou de dupliquer, de manière autonome ou non, les tests restent une assurance qualité indispensable. Le contexte dans lequel le code est exécuté diffère : dépendances, configuration, contraintes de performances… Mutualiser ne garantit pas une cohérence fonctionnelle. En cas de propagation automatique (scriptée ou via IA), ces tests servent de filet de sécurité pour détecter des impacts imprévus.
L’IA est dans toutes les bouches
De multiples conférences portaient sur l’IA : dans l’enseignement, l’architecture, la sécurité, le business ou bien sûr le développement. Une autre conférence, « L’avenir des développeuses et développeurs », a attiré une salle comble, reflétant les préoccupations croissantes des professionnels face aux évolutions du métier. Une intervention lucide, mais peut-être un peu trop pessimiste et alarmiste, dans un contexte de marché tech en mutation.
Quand on parle de Gen AI, on parle principalement des LLM capables de produire du code, du texte, des images, etc. Pour les développeurs, c’est une aide à la rédaction, à la documentation, au refactoring ou à l’idéation.
Nous ne sommes pas en train d’assister à l’extinction du métier de développeur, mais bien à une transformation culturelle et un nouveau paradigme.
On écrit peut-être moins de code brut, mais on passe plus de temps à orchestrer des outils, explorer des solutions, structurer les choix techniques. Le cœur du métier évolue vers plus de réflexion, de discernement et de collaboration, notamment avec des agents IA qui deviennent partie intégrante de notre environnement de travail.
Plutôt que de simplement produire du code, le développeur est de plus en plus un architecte de solutions, capable d’évaluer la faisabilité, la sécurité, la lisibilité et la maintenabilité des suggestions générées. La maîtrise de la documentation, des outils, et désormais des interactions avec les IA (prompts, vérification, critique) devient aussi cruciale que la syntaxe elle-même.
L’IA ne remplace pas le développeur elle devient son binôme. Un bon usage, à la manière du pair programming, peut faire émerger de meilleures idées, accélérer la livraison tout en renforçant la qualité. Apprendre à bien s’en servir ne sera plus une option mais une compétence centrale, au même titre que savoir versionner ou écrire un test unitaire.
Adopter la Gen IA, oui mais pas n’importe comment
Intégrer l’intelligence artificielle générative dans les pratiques de développement ne se limite pas à installer Copilot sur les IDE des équipes. L’adoption efficace de la Gen AI en entreprise nécessite une démarche structurée, encadrée et progressive.
Avant toute chose, il est essentiel de laisser du temps aux équipes techniques pour explorer, tester, structurer l’introduction de l’IA comme outil. Mettre en place un agent IA qui contribue au développement de code implique :
- Une configuration claire, adaptée au contexte projet (stack, conventions, complexité métier)
- Des règles précises, comparables à celles d’un linter, pour guider l’IA dans le respect des bonnes pratiques propres à l’équipe ou à l’entreprise
- La mise en place de tests automatisés solides, couvrant autant les aspects fonctionnels que structurels
- Et surtout, l’usage de tests d’architecture (par exemple avec ArchUnit) pour garantir que le code proposé par l’IA respecte les patterns définis
L’IA doit s’intégrer dans l’écosystème de qualité déjà en place, pas le contourner.
Comme toute démarche d’amélioration continue, l’intégration de la Gen AI doit être suivie et évaluée. Il est judicieux de mesurer précisément où elle apporte (ou non) de la valeur.
Par exemple :
- Taux d’adoption par les développeurs (usage réel vs installations),
- Temps gagné estimé sur certaines tâches (ex. génération de tests, refactoring)
- Diminution ou augmentation de bugs post-merge liés à du code assisté par IA
- Respect des standards de code sur les commits issus de l’IA
Ces indicateurs permettent de piloter l’évolution de l’outil dans l’organisation et d’identifier les usages les plus pertinents.
Le rôle de l’entreprise dans la Gen AI
Au-delà des outils, l’arrivée de la Gen AI transforme la façon dont les développeurs travaillent, interagissent et évoluent. Accompagner ce changement est une responsabilité essentielle de l’entreprise.
Cela commence par le développement des compétences : former les collaborateurs aux usages, aux limites et aux bonnes pratiques des IA génératives. Chez Néosoft, nous avons mis en place un parcours de formation interne sur l’IA, couvrant à la fois les fondamentaux et des déclinaisons métier comme IA & Software Engineering. Ce dispositif est également proposé à nos clients à travers notre programme Néosoft Training.
Apprendre à utiliser l’IA ne suffit pas. Pour garantir un usage responsable et pérenne, il est essentiel d’en encadrer les pratiques. Néosoft a ainsi développé sa propre IA interne : son utilisation (et l’utilisation d’IA externes), s’appuie sur une charte IA qui fixe un cadre de gouvernance clair. Elle traite des enjeux d’éthique, de confidentialité, de sécurité (PSSI, charte SSI), de conformité RGPD, de frugalité et de souveraineté. Elle vise à structurer les usages, limiter les dérives (comme le shadow IA), et encourager une appropriation maîtrisée et alignée avec nos valeurs.
Enfin, accompagner cette transition, c’est aussi favoriser les échanges de pratiques et les retours d’expérience.
L’impact environnemental dans tout ça ?
Difficile de ne pas penser aux conséquences et enjeux environnementaux liées à l’avènement de l’IA dans notre quotidien dans notre vie professionnel ou personnel.
Bien qu’elle ait été au début beaucoup mise en avant pour son utilité pour la lutte contre le changement climatique (AI for Green), il est important de ne pas négliger son propre coût : son développement rapide et massive a un impact direct sur les tensions des ressources (énergie, minerais, data centers…) et elle n’échappe pas au paradoxe de Jevons (effet rebond)*.
* L’effet rebond désigne une situation où les gains d’efficacité (souvent énergétiques) entraînent une augmentation de la consommation, annulant tout ou partie des bénéfices attendus.
La mise en place d’une IA en interne doit s’intégrer dans une démarche globale Green IT de l’entreprise. Dès sa mise en place, il est important d’évaluer et limiter l’empreinte de son utilisation en interne. Pour cela, on peut déjà appliquer les schémas suivants :
- Former et sensibiliser les collaborateurs de l’impact carbone de l’IA (pro et perso)
- Évaluer constamment l’impact carbone pour chaque utilisation et dans sa globalité
- Prioriser une démarche d’éco conception (pour le modèle de l’IA en plus des applications produites via IA)
- Privilégier des infrastructures à faible impact (Green Data Center, éco conçus et alimentés avec de l’énergie verte et/ou avec une efficience énergétique importante)
- IA « frugale » ou « sobre » : modèle adapté au besoin, limitation des données et ressources nécessaires, limitation de son utilisation
Le mot de la fin
DevLille 2025 a illustré l’emprise croissante de l’IA dans les problématiques courantes du développement informatique : un mélange de réflexion, d’innovation et de responsabilité. L’IA, désormais ancrée dans le présent, impose une course rapide, mais comme l’agilité autrefois, elle ne doit pas devenir une course à l’efficacité aveugle. Il faut savoir s’adapter, sans se brûler les ailes : l’avenir du développement réside dans l’équilibre entre innovation et maîtrise, entre vitesse et discernement.
« rien ne sert de courir ; il faut partir à point »